Lettre publiée sur le site du Figaro le 31 mars. Voir ici

Mme El Khomri,

J’avais commencé par vous accueillir en vous souhaitant bonne chance, assez certain à l’époque que récupérer le ministère le plus compliqué du quinquennat ne serait pas de tout repos pour vous.

C’est plutôt amusé que je vous ai écoutée vous débattre sur le nombre de CDD renouvelables qu’autorise le code du travail (n’ayez pas honte, la CGT pensait visiblement que 184 pouvaient passer), ou nous expliquer que vous lisez souvent les journal.

Mais là, Mme la Ministre on ne rigole plus. « Votre » loi Travail, enfin celle que l’on vous a glissée entre les mains (en toute bienveillance bien entendu) a de nouveau déchainé les passions dans des débats d’une violence rare. Quelques semaines après des échanges déjà très virulents autour de la déchéance de nationalité, mesure la plus inutile de la présidence Hollande, votre gouvernement divise à nouveau la société sur un texte qui ne servira à rien.

Nous entrepreneurs, nous chômeurs, nous salariés, n’avons qu’une seule question à vous poser : quelle mesure de votre texte de loi va relancer l’emploi ? Parmi les propositions que vous présentez ce matin en Conseil des ministres, laquelle va faire que demain matin un patron va se lever et créer un job immédiatement ?

La réponse est d’une évidence telle que la question paraît stupide. La relance de l’emploi était pourtant le principal enjeu de votre mandat, et la mission que l’on vous a confiée celle de la dernière chance. Je ne sais pas si votre supérieur hiérarchique arrivera à se représenter malgré son incapacité chronique à inverser la courbe, et pour tout vous dire je m’en contrefiche. Je suis bien trop consterné par le manque de courage dont fait preuve votre famille politique. Attristé de constater que vous avez renoué avec les bonnes vieilles habitudes du gouvernement Ayrault : multiplier les effets d’annonce pour tester l’opinion publique, créer des débats houleux qui divisent les Français, pour finalement ne rien faire. Ou presque. Affligé, pour finir, que lesdits débats arrivent maintenant, quelques mois avant que les Français de gauche et de droite ne vous mettent dehors. Vouloir réformer le Code du travail lorsque l’on a une côte de popularité inférieure au taux de chômage, c’est une utopie inatteignable.

Il n’y a pas que de mauvaises idées dans votre loi, bien sûr. Par exemple, le droit à la déconnexion c’est bien. Mais est-ce que cela va créer de l’emploi ? Ecrire plus clairement les règles encadrant le licenciement économique, ou encadrer les indemnités prud’hommales c’était très bien. Mais vous l’avez enlevé, après l’avoir si mal expliqué. Les mauvaises langues racontent que c’était fait exprès, et que jamais vous n’avez envisagé aller au bout de ces deux idées. Rassurez-moi, la réalité n’est pas aussi cynique ?

Je l’aimais plutôt bien votre loi, principalement parce qu’elle faisait la part belle aux accords d’entreprise. Ceux qui font l’entreprise, ceux qui vivent l’entreprise, dirigeants et salariés, allaient enfin pouvoir fixer quelques-unes des règles qui régissent leur vie. Cela ne pouvait pas plaire aux syndicats bien sûr, qui ne représentent plus que 7% des employés mais qui trouvent normal de continuer à décider de tout. Imaginez la catastrophe pour eux si l’accord d’entreprise devient la règle, eux qui n’ont pas mis les pieds dans une PME depuis si longtemps. Mais, soyons honnête : même si c’était intelligent, cela non plus ça n’avait pas vocation à relancer l’emploi. Vous aurez réussi en tout cas le tour de force de vous mettre à dos CGT et Medef. Faites gaffe, bientôt ils défileront ensemble.

Jamais vous n’avez compris l’urgence de la situation. Jamais vous n’avez saisi l’importance de votre mission. J’ai été idiot : à chaque fois je me dis qu’il faut arrêter de croire en vous, et pourtant à chaque fois j’espère.

Soyez gentille maintenant : foutez-nous la paix. Depuis un mois, à cause de votre texte sans intérêt, on réentend partout dans les médias que les patrons sont des esclavagistes assoiffés de pouvoir et d’argent. Arrêtons le massacre. Finissez tranquillement votre mandat, en essayant, s’il vous plait, de ne pas dilapider un peu plus le peu d’argent que nous n’avons pas. Et partez. Je n’écris pas cela parce que je pense qu’un autre parti fera mieux. Je l’écris parce que l’on en a marre de vous, de votre incompétence chronique, et surtout, surtout, de votre manque de courage.

Julien Leclercq,

Entrepreneur,

Auteur de « Journal d’un salaud de patron » (Ed. Fayard)

www.salauddepatron.fr

Fondateur du mouvement des Déplumés