Lettre d’un entrepreneur en recherche de solutions rassurantes au près du chef de l’état, Monsieur François Hollande. Il exprime l’impuissance des entreprises actuelles et le manque de compréhension des gouvernants. Une lettre riche en émotion..

guillemet-ouverture  Lettre ouverte d’un « petit entrepreneur » à Monsieur le Président de la République.

Depuis quelques semaines, nous entendons ici et là toutes sortes d’aberrations issues d’une situation économique détestable, engendrant une hausse du chômage, une explosion du nombre de défaillances d’entreprises, une baisse du moral des chefs d’entreprise et plus généralement des français, et une perte de confiance envers nos gouvernants, … je m’arrête là car un entrepreneur n’a pas vocation à voir le verre à moitié vide mais plutôt à moitié plein !
Un sujet focalise ces derniers temps l’ensemble des intervenant du monde économique (et politique): le coût du travail en France.
En préambule, il me parait important de donner un exemple chiffré afin de bien comprendre l’ampleur du problème. En France, le coût moyen de l’heure de travail est de 37.11 € (1) pour l’industrie manufacturière. J’ai reçu en date de la semaine dernière une proposition officielle pour une mise à disposition de menuisiers polonais, toutes charges comprises (y compris déplacements, hébergement, heures supplémentaires au même prix) pour la modique somme de 16.00 € l’heure. Il est inutile d’avoir fait de grandes études pour comprendre ce que cette concurrence (utilisée par certaines entreprises françaises) pose comme problème pour des entreprises où les coûts de main d’œuvre correspondent à près de la moitié du chiffre d’affaire !!!
Monsieur le Président, vous nous avez proposé dernièrement de supprimer les cotisations familiales d’ici 2017, soit maximum 5.25 % de la masse salariale. Nous apprécions bien évidemment le geste. Après analyse, cette baisse viendrait en remplacement du CICE, nouvellement mis en place, donnant un résultat minime au final à cette mesure, voire un avantage moindre avec l’impôt sur les sociétés complémentaire que cela générerait. Mais ce qui pose vraiment un problème de fond, Monsieur le Président, c’est le discours qui l’accompagne. Nous avons « obligation » de créer des emplois, au moins 2 millions a-t-on entendu de la part de votre Ministre du redressement productif…
Monsieur le Président, vous qui n’avez jamais géré une entreprise, (et ce n’est pas forcément une tare…), écoutez les chefs d’entreprise.
Pensez-vous réellement que la création d’emplois se décrète, et qu’un deal « baisse des charges » contre « création d’emplois » soit un deal crédible ?
Arrêtons la langue de bois et soyons sérieux quelques instants. Petit rappel d’économie. Pour créer des emplois, une entreprise a besoin d’un carnet de commande rempli, de préférence avec des marges correctes correspondant à la réalité économique de son environnement, et surtout un besoin de visibilité, qui lui permettra de créer les emplois pour le futur.
Une baisse de charges de quelques pourcents nous permettra avant tout de regagner un peu de compétitivité afin de consolider les emplois existants, avant de vouloir à tout prix créer des embauches. Pour une entreprise de 10 personnes (3.4 millions d’entreprises de moins de 10 personnes en France sur un total de 3.6 millions (2)), la baisse de charges correspond maximum à moins de 10 000 € par an. Au pire, c’est l’équivalent d’un contrat de 20 H par semaine, devenu interdit par la nouvelle loi sur le travail précaire…
Bien sur que nous avons besoin de baisser le cout du travail en France, et ceci de manière rapide et conséquente (donc avant 2017 …). Mais, nous avons aussi besoin d’oxygène, besoin de délier les liens qui nous empêchent de progresser et d’être agiles.
Pèle mêle, j’ai cité la dernière loi sur le travail précaire qui nous empêche de créer des contrats inférieurs à 24 H par semaine, mais je peux y rajouter l’obligation prochaine pour les entreprises de proposer des mutuelles à la totalité des salariés, la fiscalisation de la part patronale des mutuelles (ce qui entre autres rajoute un impôt passé inaperçu à nos salariés) qui a été validée par un texte le 30 décembre dernier, pendant les congés de la plupart des entreprises, obligeant la majorité de ces dernières à refaire leurs feuilles de paye (15 millions au total selon la presse, nous sommes loin du choc de simplification promis…), le contrôle fiscal quasi automatique d’une entreprise qui demande un crédit d’impôt, la complexité délirante de notre code du travail devenu inapplicable à la lettre empêchant toute flexibilité dans nos entreprises, et je pourrais continuer ainsi sur plusieurs pages.
Monsieur le Président, arrêtez le massacre et recréez de la confiance. Donnez-nous de la visibilité, laissez nous diriger nos entreprises plus librement, donnez-nous de la flexibilité, en un mot, faites-nous confiance, et arrêtez de nous confondre avec les entreprises du CAC 40.
Nous passons notre vie à travailler dur pour développer (ou sauver) nos entreprises. Si nous en avons l’opportunité, nous préférons augmenter les salaires de nos salariés, et/ou embaucher plutôt que d’augmenter notre rémunération personnelle.Nous prenons tous les jours des risques, nous y laissons pour beaucoup une partie de notre vie personnelle, de notre santé. Le jeu en vaut la chandelle si seulement nous pouvons évoluer dans un monde plus serein, un monde où le chef d’entreprise est reconnu comme un créateur de richesses sur son territoire plutôt que comme un voyou.

 

Nous n’avons pas besoin d’un contrat avec l’Etat pour embaucher, mais plutôt de contrats avec nos clients !!!Il est urgent que nous retrouvions « ensemble » le chemin de la croissance, et pour cela, nous avons besoin d’être accompagnés, d’avoir une vision claire de la politique de notre pays, nous permettant d’avancer sur un terrain « solide » et non « marécageux ».Vous avez avec vous une population qui est prête à continuer à prendre des risques pour sauver et créer des emplois. « Utilisez » les forces vives de notre beau Pays pour que nous puissions enfin sortir de l’ornière dans laquelle nous nous trouvons. Nos salariés ont aussi fait beaucoup d’efforts ces dernières années, et sont encore prêts à nous faire confiance. Mais, s’il vous plait, ne tardez pas, redonnez nous ce rayon de soleil qui nous a tant manqué ces derniers temps.

 

Nicolas TILLIE

Dirigeant d’une menuiserie de 23 personnes en Savoie guillemet-fermeture

 

 

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