Longtemps présentées comme la voie royale vers l’embauche, les Grandes Écoles voient le taux d’insertion de ses diplômés battre de l’aile. Le pourcentage d’embauche en CDI des étudiants qui en sont issus ne cesse de chuter de 80% à 76%i, rejoignant ainsi le taux de chômage des jeunes Européens établi à 23,9%ii tous type de contrat confondu. De nombreux facteurs expliquent ce déclassement, mais trois en particuliers sont devenus structurels.

Autrefois traqué, choyé et dorloté par les recruteurs, le diplômé de la Grande École est devenu un simple candidat parmi d’autres. L’accroissement numérique massif de ce type de profils en est une cause évidente. Elle relève en partie de la relative démocratisation des formations élitistes comme le programme ZEP de Sciences Po, ou encore les aides financières à l’inscription octroyées par HEC. Mais elle est aussi due à la pression sociétale exercée sur les jeunes, qui détient un rôle beaucoup plus important dans cet état de fait. En France, détenir un diplôme du supérieur est perçu comme une obligation pour décrocher un « bon job ». Cela se fait parfois même aux dépens de filières plus courtes et plus professionnalisantes, comme dans l’aéronautique ou l’hôtellerie-restauration par exemple.

Le deuxième facteur tient du coût souvent élevé des diplômés des grandes écoles. La crise économique a frappé de plein fouet les entreprises en 2008. La plupart d’entre elles sont obligées de multiplier les plans sociaux et l’organisation de départs volontaires pour réduire leurs frais de fonctionnement. Dans une conjoncture de frileuse reprise, elles restent réticentes à embaucher, qui plus est des juniors « chers ». Pour combler ce manque, la tendance actuelle semble plutôt être à la polyvalence des cadres supérieurs.

La dernière raison est plus choisie que subie. Les recruteurs, qui étaient affamés de ce type de profils dans les années 80 dénoncent désormais le « formatage » des étudiants. Dans un marché où la concurrence est acharnée, la créativité et l’innovation sont des impératifs. La trop grande rigueur des Grandes Écoles tuerait dans l’œuf cette composante devenue essentielle à la croissance durable d’une entreprise.

Alors quel avenir pour « l’élite de la nation » ? A eux, peut-être de créer leur propre emploi. Une idée dont ils ont parfaitement conscience puisqu’une étude récente montre que 75% des -25ans envisagent de monter leur boîte. Une initiative qu’il faut absolument encourager, pas seulement pour sauver les plus diplômés d’entre nous d’ailleurs. Pour cela les jolies tournures de phrases ne suffiront pas, il faudra des mesures fortes, comme par exemple la mise en place de taux très attractifs pour les jeunes entrepreneurs.

Contribution de Yanis Kessi, étudiant à Sciences-Po.

i() Résultats de l’étude « Insertion » publiés le 18 Juin 2013 par la Conférence des Grandes Écoles.

ii() Chiffres 2012 d’Eurostat.