Si vous avez eu l’occasion de voyager un peu, en France ou à l’étranger, ces dernières semaines, vous ne pouvez pas être passé à côté : partout, les annonces d’emploi fleurissent. Le phénomène est mondial, il touche les pays riches comme les pays pauvres. Il concerne les postes faiblement rémunérés comme ceux qui le sont beaucoup plus. Selon une enquête Banque de France datant d’avant les grandes vacances, 41 % des entreprises dans les services et un quart des firmes industrielles peinent à recruter des salariés. Les métiers historiquement en tension (Restauration, BTP, informatique, expertise comptable…) le sont encore plus qu’auparavant, mais ils ne sont plus seuls.

Si la crise sanitaire a été sur beaucoup d’aspects un accélérateur de tendances, elle a été également dans le cas présent un agravateur de problème. Alors que l’économie mondiale en général et française en particulier reprennent une croissance soutenue, la pénurie de main-d’œuvre vient compromettre cette embellie dont notre pays a tant besoin.

D’un côté, au moins un million d’offres d’emploi non pourvues (les chiffes officiels de Pole Emploi – organisme responsable d’un recrutement sur huit… – parlent de 300 000, alors que le secteur de la restauration annonce à lui seul chercher plus de 200 000 personnes), de l’autre des millions de chômeurs… Comment ne pas s’interroger ?

Les causes sont multifactorielles, évidemment. Evidemment, la caricature avancée par certains adeptes du « chômeur branleur », mettant en avant le fait que certains préfèrent vivre des aides sociales que gagner leur vie par eux-mêmes existe. Mais elle n’est qu’une minorité, et il m’apparait évident que la très grande majorité des chercheurs d’emploi cherchent du travail.

Alors où regarder ?

Plus grande aspiration à la liberté ? Il est certain que le phénomène « je ne veux pas d’un CDI » a pris une ampleur inédite depuis la COVID.

Métiers pas assez sexy et donc pas attractifs ? Elisabeth Borne, ministre du Travail, vient de fustiger il y a quelques semaines le secteur de l’hôtellerie restauration, coupable selon elle de rémunérations à ras des pâquerettes. Restaurateur moi-même, je ne peux pas lui donner complètement tort. Mais une fois la position démago mise de côté, il y a une réalité : mon café est vendu 1,40 euros dans mon bar. Si je le mets à 1,50, je n’en vendrai plus un seul. Ce n’est sans doute pas seulement dans le salaire que viendra le salut de certaines branches, mais plus encore dans les conditions de travail en général : respect de l’autre, plus d’écoute, semaine de quatre jours (possible dans ces métiers)…

En creusant, bien sur, il y a une raison plus importante encore : cette pénurie de talents est le symptôme d’un problème profond qui touche à la formation dans notre pays. L’inadéquation entre offre et demande de travail est traditionnelle en France, presque considérée comme une fatalité.  En outre, le niveau de compétences des actifs français est faible au regard des standards internationaux[1]. Il est impératif de revoir notre copie aussi et surtout ce côté-là. En revoyant le système scolaire français, comme le préconise Ross McInnes, le patron de Safran ?

Le débat est ouvert, et il serait bon que les candidats à l’élection présidentielle s’en saisissent tant le manque de main d’œuvre dans certaines branches est un facteur récurrent.

[1] Selon le classement PIAAC de l’OCDE, la France se classe au 21e rang en ce qui concerne le niveau des actifs.